Le long voyage du piment
Le long voyage du piment
Publié par      04/08/2019     Articles par Max Daumin

Le piment, un long voyage pour une épice aujourd’hui mondialisée !

 

D’un point de vue botanique le piment fait partie de la famille des Solanacées qui inclut près de 90 genres et plus de 3000 espèces principalement natives du sud et du centre de l’Amérique. On y trouve dans cette famille : l’aubergine, la tomate, le physalis, la pomme de terre ou encore le tabac.

On pense que le piment fut originaire de Bolivie et se serait ensuite répandu en Amérique du sud par le biais des oiseaux transportant ses graines. D’après des vestiges trouvés dans les grottes de Tamaulipas et de Tehuacan au Mexique, le piment serait utilisé depuis au moins 7 000 ans. Les Aztéques ont obtenu à partir du petit piquin diverses variétés que l’on totalise à 27 ayant des formes, couleurs, tailles et forces différentes. Les traces des premières domestications remonteraient à plus de 3000 avant JC.

1492 marque le départ du piment pour un long voyage : Christophe Colomb fut le premier européen à ramener du piment. Le docteur Diego Alvarez Chanca, membre de son expédition,  remarqua son usage local appelé « agi », et le proposa en Espagne. Dans un premier temps, le piment eut peu de succès, son coté piquant était considéré comme peu intéressant au regard du poivre.

Mais les données économiques changèrent son destin : les épices venant d’Asie étaient de plus en plus taxées par les différents intermédiaires se trouvant sur leur route (Asie Mineure et Moyen Orient), et parallèlement la bourgeoisie européenne grandissante étaient de plus en plus en demande d’épices, correspondant à un certain « standing ». Ceci eut une double conséquence : la montée des prix des épices et la volonté absolue de contourner les routes terrestres d’importation des épices. La voie maritime devait être trouvée motivant ainsi toutes les expéditions de découverte des Indes.

Le portugais Vasco de Gama, en passant par le cap de Bonne Espérance, découvrit la côte Malabar des Indes en 1498. Il permit ainsi la création d’une nouvelle voie maritime et commerciale allant de l’Europe directement en Inde. 

Goa fut ainsi le premier comptoir et la première ville remporté par les Portugais. Cette ville fut le point d’introduction du piment. Le piment fut bien accueilli par les Indiens, ayant l’habitude du piquant (que l’on retrouve dans les poivres et le gingembre). De plus le climat (chaud et humide) de la côte Malabar était parfaitement propice à sa culture qui en devenait très facile. Le piment fut donc adopté par les Indiens et entra dans la composition notamment de leur massala (mélanges d’épices).

La route du piment ne s’arrêta pas en Inde, il suivit ensuite les diverses voies commerciales se diffusant par l’ouest : en Inde, en Chine et dans toute l’Asie. Et par l’est : en remontant l’Inde et en suivant les anciennes et traditionnelles routes via les Arabes qui l’importèrent.

Etonnamment ce sont les échanges avec l’empire Ottoman permit la création d’une AOP d’aujourd’hui : en effet les Turques (Ottoman) l’adoptèrent et au cours de leurs conquêtes ils l’amenèrent en Europe et notamment via les Balkans jusqu’à la Hongrie. Les Hongrois l’intégrèrent dans leur cuisine dont le fameux goulash. Ils en firent maintes cultures et se mirent à en créer différents cultivars : Ainsi était né le Paprika. Aujourd’hui seul et uniquement le piment de Slovaquie et de Hongrie peuvent porter le nom de Paprika.

Le piment se diffusa ensuite en Europe plus lentement du 18ème jusqu’à aujourd’hui, la sensibilité du palais européen au piquant du piment ralentit quelque peu sa diffusion. Ainsi le piment est donc arrivé à nous par l’est de la France.

Mais pour la petite histoire il arriva aussi par l’ouest bien plus tôt : en 1650 on trouve les premières plantations de piment au pays Basque (piment qui vint directement des Antilles et Amérique du sud via les expéditions maritimes). Ce piment allait devenir le genre Gorria (Capsicum Annuum Gorria) et s’appelle aujourd’hui tout simplement le Piment d’Espelette.

Encore plus étonnant, bien que remonté d’Amérique du sud jusqu’au Mexique la route du piment n’ira pas plus loin au nord, les Indiens d’Amérique n’en firent pas usage. On trouva uniquement quelques espèces sauvages  endémiques au Texas. Aucune trace des piments d’Amérique du sud.  Il a fallu attendre la conquête de l’Ouest au 19ème siècle où il fut importé d’Europe !

Cette plante fit un véritable tour de monde en 500 ans et suivant les différente péripéties commerciales et historiques de l’Homme, pour être aujourd’hui cultivé quasiment partout.

On comptabilise aujourd’hui plus de 140 variétés de piment aux saveurs et forces différentes.

Savoureusement,
Max Daumin

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